
Nous
sommes sur la rive orientale du lac, dominée par
une petite falaise gypseuse. La bordure de sel
est relativement étroite et irrégulière de ce
côté en comparaison de l'immense nappe immaculée
qui s'étend sur la rive opposée. Ce sont des caravaniers
assaïmara qui font le dur métier de venir s'approvisionner
de sel à Assal, dont ils remplissent de longs
étuis tressés en feuilles de doum, pour le transporter
ensuite jusqu'en Abyssinie.
La
lumière et surtout la réverbération sont telles
que nous avons du mal, malgré l'heure matinale,
à ouvrir les yeux, tandis que nous nous promenons
sur la croûte salée, très solide, percée de quelques
flaques d'eau dont le fond est tout tapissé de
délicates aiguilles de gypse blond. Des cristaux
de même nature sont en train de se former également
sur des morceaux de bois entraînés par la dernière
crue, déjà fort ancienne, de l'oued Daffareh.
De
nombreuses petites sources thermiques, tièdes
(40°) et très salées, sans doute des infiltrations
d'eau de mer venant à travers les fissures de
la lave depuis le Ghoubet el Kharab, qui n'est
guère à plus de dix kilomètres en ligne droite,
apparaissent à l'embouchure de l'oued Daffareh
et s'écoulent dans le lac. On peut voir nager
dans ces sources une multitude de petits poissons.

L'appoint
de ces sources et d'autres, également salées,
existant tout le long de la rive sud du lac, et
les crues accidentelles des nombreux oueds qui
aboutissent dans ce bassin fermé ne suffisent
pas à compenser l'évaporation intense dont le
lac AssaI est le siège, évaporation qui a pour
résultat d'abaisser insensiblement son niveau
et d'augmenter sa teneur en sel qui est déjà considérable.
Elle
atteint actuellement près de 300 grammes de sels
divers par litre. Sur ce total, le chlorure de
sodium figure pour 235 grammes. Le reste des substances
en dissolution est représenté surtout par du chlorure
de magnésium (45 grammes par litre). On peut se
figurer, dans ces conditions, la saveur de cette
eau qui offre une consistance presque sirupeuse.
La température du lac est de 28°, inférieure d'un
degré seulement à celle de l'atmosphère en ce
moment. Sans l'humidité considérable de l'air,
qui résulte d'une évaporation intense, cela n'aurait
rien d'excessif, maison ruisselle à grosses gouttes,
comme si nous étions dans un bain de vapeur. Il
n'est encore que 8 heures du matin au moment où
je me livre à ces différentes observations et
à mesure que le soleil s'élève le thermomètre
monte rapidement. La chaleur devient bientôt telle,
qu'il faut songer à partir, car on a l'impression
très nette que l'on va littéralement suffoquer
.
AUBERT
DE LA RUE
LA SOMALI
FRANCAISE 1939
