Bientôt
après, la foule entoure le gynécée dont l'approche
est protégée par une ceinture d'épineux. Le tumulte
augmente. Dans un tourbillon de poussière débouchent
des guerriers sautant, dansant et chantant, brandissant
lances et poignards. Derrière, Dirané Moussa marche
à pas lents, précédant un chameau sur lequel une
masse blanche est ballottée comme une épave à
la dérive. C'est la " captive ".
Recouverte d'un drap, on ne la voit pas. Des guerriers
forment l'arrière-garde, portant le trousseau:
vêtements entassés sur des plateaux de paille
tressée, vanneries de toutes sortes, tapis.
La
" captive ", empêtrée dans un
flot de linge blanc, est enlevée et déposée à
l'intérieur de son futur gynécée. Elle n'a pas
encore le droit de fouler le sol de la tribu de
son futur époux, elle n'obtiendra ce droit qu'après
la consommation du mariage. Les femmes s'affairent,
décorent le gynécée du trousseau apporté, préparent
la " captive ".
Mais
voici qu'un groupe d'hommes et de femmes, vociférant,
se fraient un passage parmi les spectateurs. Ce
sont les parents et les amis de la " captive
" qui poursuivent les ravisseurs. Après un
simulacre de combat, tout s'apaise enfin. Les
okals entourent les derniers arrivés. Un conciliabule
s'engage. Dirané Moussa atteste avoir payé la
" dot " fixée par les parents, s'engage
à prendre la " captive " pour femme
et à la traiter sur un pied d'égalité avec ses
autres femmes. Chacun fait preuve d'éloquence,
puis se félicite de l'heureuse issue du rapt.
Tout
cela n'est plus qu'une apparence sans réalité,
mais fait revivre la coutume. Autrefois, en effet,
l'homme allait ravir sa femme, souvent en combattant.
Alors, un cri de triomphe célébrait son succès
ou un cri d'épouvante annonçait sa mort. Aujourd'hui
tout commence et se termine par un marché, où
il n'y a ni gagnant ni dupe.
Oirané
Moussa offre à tous l'hospitalité la plus large.
C'est une véritable débauche de viandes, de sauces,
de condiments qu'apportent femmes et jeunes filles.
Les convives ne cessent de rire, d'évoquer leurs
prouesses. La joie devient de plus en plus bruyante.
Au repas succèdent les chants, les danses, les
jeux. Bien des idylles s'ébauchent, bien des promesses
sont échangées. Oirané Moussa veut absolument
que je suive son exemple, il veut me marier. J'ai
de la peine à me défendre. Lorsque la nuit tombe,
Dirané Moussa pénètre dans le gynécée de sa nouvelle
femme. Les yous-yous se multiplient, la joie éclate,
débordante. Je ne me sens pas à l'unisson de cette
allégresse générale. Je pense aux calebasses de
beurre, à la vieille, au petit couteau....
