Après
que la Turquie eut cédé la côte occidentale de
la Mer Rouge à l'Égypte, celle-ci nomma les sultans
indigènes de la région comme gouverneurs, mais
on n'avait jamais clairement défini quels étaient
les pouvoirs de ces sultans, ou s'ils en possédaient
même. La Grande-Bretagne qui, par la convention
anglo-égyptienne de 1877, avait, provisoirement,
reconnu cette occupation, ne voulut point admettre
qu'ils eussent le droit de céder aucune partie
du territoire à des étrangers. L'lndia Office
déclara qu'il considérait comme fort dangereuses
les revendications de Soleillet aux terres qu'il
prétendait lui avoir été cédées, même si l'étendue
en était restreinte. Il signala à l'attention
du Foreign Office le fait que l'Italie s'était,
au début, installée modestement et commercialement
à Assab. Il réclama que le gouvernement anglais
insistât auprès du Khédive pour l'obliger à faire
valoir ses droits souverains sur la région. L'Égypte,
cependant, était prête à évacuer toute la malheureuse
côte si l'Angleterre voulait le lui permettre.
Lord Granville, ministre des affaires étrangères,
était de l'opinion que l'intérêt des Indes nécessitait
qu'il ne fût jamais permis à une puissance étrangère
d'acquérir des concessions sur cette partie de
la côte qui, en 1875, avait été annexée aux domaines
du Khédive, et il demanda que le nécessaire fût
fait pour empêcher cet accident .
En 1882 il n'était
plus possible de contester les droits de la France
à la concession d'Obock; tout ce que l'on pouvait
espérer, c'était de l'empêcher d'empiéter plus
loin sur la côte. Si l'Italie était obligée de
rester enfermée à Assab, et la France à Obock,
aucun mal sérieux ne s'ensuivrait pour la Grande,-Bretagne,
car ces deux endroits offraient peu d'avantages
naturels. Assab était entouré de marécages pestilentiels
près de la côte, et vers l'intérieur le pays était
montagneux, peu fertile, et occupé par des tribus
maraudeuses. Le ministre anglais à Aden prétendait
que l' Angleterre n'aurait rien à craindre de
l'Italie pendant bien longtemps encore, et qu'elle
pouvait écarter de son esprit le problème d' Assab.
La France, non plus, n'offrait aucun danger tant
qu'elle se bornait à rester à Obock. L'endroit
était dépourvu d'eau douce et le port était quasi
inutile puisque son bassin était toujours à sec
à marée basse, et que même à marée haute seuls
les petits vaisseaux pouvaient y entrer. Le danger
ne surgirait que si elle essayait d'élargir le
champ de son activité et poussait une pointe vers
Ghubbet Khareb, non loin d'Obock. Ghubbet Khareb
jouissait d'un bassin magnifique de 95 kilomètres
carrés, et toute la flotte britannique aurait
pu s'y abriter, si profonde en était l'eau. Nulle
flotte du monde, affirmait le ministre anglais
à Aden, ne pourrait mettre en péril des navires,
des dépôts de provisions ou de charbon une fois
ceux-ci mis en sûreté dans la baie. Les agents
secrets de la Grande-Bretagne commençaient à soupçonner
que Ghubbet Khareb pouvait bien être le but de
Soleillet et qu'il s'y dirigeait à pas lents et
sûrs. Ce qui est clair c'est que Soleillet s'était
rendu compte, lors de ses voyages au Choa, qu'il
y avait d'autres points de la côte mieux adaptés
qu'Obock à servir de base aux opérations commerciales
de son pays.
